Carré Rouge - Expertise Art asiatique

Les périodes de l’Art asiatique

L’art asiatique prend des atours et des formes si variés qu’il est, pour l’historien d’art, aussi difficile d’en dégager une vue synthétique que de le découper en périodes sans tomber dans l’approximation et le raccourci artificiel. Quels points communs entre la sculpture gréco-bouddhique du Gandhara dans les déserts du Pakistan, les bronzes shivaïtes chola d’un Tamil Nadu trempé par la mousson, les sceaux en jade d’un empereur chinois qui par sa marque impose son pouvoir, et le dénuement d’une céramique japonaise dont le dépouillement invite à l’introspection ? S’il fallait désigner les deux énergies motrices qui ont tiré les lignes de force du continent et de son art au cours des derniers millénaires, sans doute faudrait-il considérer les puissances politiques d’un côté et la verdeur galopante des courants religieux de l’autre.

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L’histoire du continent est d’abord celle des grands empires qui le constituent

À l’empire maurya qui règne du Pakistan au Bengale et sur presque tout le Deccan, répond le formidable essor du bouddhisme dont les colonnes d’Ashoka sont le témoignage le plus probant. La Bonne Loi s’impose progressivement au cœur des fidèles et utilise les arts pour mieux se répandre. L’hindouisme fera son apparition au début de notre ère, fondé sur les deux grandes épopées du Mahabharata et du Ramayana, mais les empires successifs, gupta notamment, feront montre d’une tolérance vis-à-vis du bouddhisme. Celui-ci est donc libre de s’exporter, et les moines emmènent avec eux des manuscrits illustrés contenant les enseignements du Bienheureux, vers l’Asie du Sud-Est par la voie des mers, où le bouddhisme trouve une formidable caisse de résonance en Thaïlande, au Laos ou à Java, mais aussi vers le nord et en particulier vers la Chine. Cette dernière, dont l’art du jade et du bronze se tournait jusqu’à présent vers le culte des ancêtres, devient perméable au bouddhisme sous sa forme mahayana. S’ensuit un élan artistique fiévreux, visible dans les grottes de Mogao à Dunhuang qui réunissent quelque 2000 statues et 45.000m2 de peintures murales élaborées entre le IVe et le XIVe siècles. La Chine présente aussi des particularités propres, dues à la hiérarchie sociale et administrative qui cimente le pays.

Gouvernée par une élite de fonctionnaires-lettrés imprégnée des philosophies taoïstes et confucéennes, la production artistique prend une allure raffinée qui se lie volontiers avec les sentiments intérieurs et la poésie. C’est ainsi que la porcelaine en appelle autant à la vue par sa blancheur et l’harmonie de ses couleurs, à l’ouïe par son tintement, au toucher par sa texture ; ou que le jade se pare de mille nuances de vert et émerveille par son toucher onctueux. Cette résonance de sentiments et d’impressions trouve son aboutissement dans la contemplation et la fantaisie, dans la nouveauté, la légèreté aussi. Elle n’est pas sans rappeler les recherches de l’art japonais qui, à côté de l’art religieux qui s’épanouit entre autre dans la sculpture en bronze et en bois, voit sa cour et ses élites s’essayer à l’introspection méditative. L’art se fait alors écorce de la philosophie, et les céramiques japonaises explorent le hasard d’une manière différente, par des objets soumis à une cuisson libre qui favorise la survenue de petits accidents en surface. Ces recherches de luxe et de raffinement réservées à la cour ne peuvent avoir lieu que grâce à un état stable et hiérarchisé au sommet duquel trône un empereur : le shogun. Dernier empire et non des moindres, l’empire khmer engendra un art fortement indianisé, tour à tour hindouiste puis bouddhiste sous le règne de Jayavarman VII, qui fait de la Bonne Loi une religion d’Etat. Les tours à visages du Bayon en sont l’exemple le plus célèbre, montrant une fois de plus que l’art asiatique se trouve influencé autant par les institutions politiques que les mouvements religieux.

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