Les grands noms de l'art asiatique
L'anonymat de la majorité des productions asiatiques donne à penser la place et le statut de l'artiste sur le continent. Alors que la sculpture du monde indien et indianisé répond à des traités théoriques précis, qui fixent scrupuleusement les normes esthétiques auxquelles doivent se conformer l'architecture et la sculpture dont le rôle est de rendre visible l'invisible, la liberté de l'artiste est pour ainsi dire inexistante. L'artisan, transcripteur de ces traités normatifs dans la pierre ou dans le bois, l'artisan n'a pas vocation à laisser libre cours à son inspiration personnelle - artistique dirait-on aujourd'hui. Aux antipodes de cette conception, le peintre et le calligraphe chinois cherchent à retranscrire des sentiments intérieurs qu'ils traduisent plastiquement en encres, en lavis, en couleurs. L'intériorité du peintre entrant de plain-pied dans l'élaboration de l'œuvre, l'artisan conquiert progressivement le statut d'artiste, d'artiste-lettré même, en ce qu'il réinterprète le monde en fonction de sa connaissance et de son vécu. C'est pour ainsi dire la considération de la subjectivité de l'artiste, de son talent aussi.
Si liées à la personnalité de leur auteur, les signatures font naturellement leur apparition et laissent à l'histoire des noms très célèbres :
Fan Kuan, Su Shi (1037-1131), Mi Fu (1051-1107), Song Huizong (1082-1135), Zhao Mengfu (1254-1322), Youn Shouping (1633-1690) ou plus récemment encore Fu Baoshi (1904-1965). Dans chacune de ces productions, pourtant si originales et innovantes, se retrouve pourtant ce même fond commun de la profondeur intime. Il n'est pas non plus étonnant de retrouver dans un pays aussi sinisé que le Vietnam de grands noms de la peinture. Influencés par la Chine, mais aussi par l'Europe dont l'histoire se mêle à celle du pays au cours du XIXe et du XXe siècles, les peintres vietnamiens élaborent des solutions plastiques nouvelles. Ainsi des artistes aussi divers que Mai Trung Thu, Vu Car Dam, Nguyen Nam Son, Tran Van Can, Le Pho, Nguyen Giatri, Pham Hau, Dinh Van Dan, Phan Chanh, Le Thi Luu, Luong Xuan Nhi, Hoang Tich-Chu, Nguyen Tien-Chung, Do Dinh Hiep, Tran Binh Loc, Nguyen Van Ty, Le Thy, Le Quoc Loc font la côte d'un marché de l'art vietnamien qui semble être de plus en plus porteur.
Enfin, il serait impossible d'omettre, dans un article consacré aux grands noms de l'art asiatique, les maîtres de la peinture japonaise à laquelle doivent tant d'artistes européens du XIXe siècle. Ogata Korin, Sotatsu, Kenzan, Rœtsu, Roshu ou Shiko résonnent comme autant d'inspirations aux yeux des impressionnistes français, de même que les célèbres peintres d'estampes : Utamaro, Hiroshige ou Hokusai. A la rigoureuse perspective linéaire que les artistes européens emploient à l'envi depuis la Renaissance, le Japon substitue une illusion spatiale. Les personnages ne sont pas strictement échelonnés en fonction de la distance, de même qu'il n'y a pas de point de fuite à la composition. Toutes ces nouveautés sont immédiatement absorbées par des peintres comme Monet, Manet ou Van Gogh, dont les enroulements fiévreux ne sont pas sans rappeler la stylisation des vagues ou des nuages des paravents d'Ogata Korin.